« Joker » de Todd Philipps ****

J’ai hésité entre 1 étoile et 4 étoiles, j’ai opté pour les 4, j’essaierai plus loin d’expliquer pourquoi.

Dans les années 80, à Gotham City (un New York imaginaire) Arthur Fleck, un homme fragile psychologiquement et souffrant d’un handicap neurologique, se prépare avec ses collègues dans les locaux de la petite entreprise qui l’embauche. Grimé en clown il va travailler dans la rue pour la promotion d’un magasin. La radio passe les nouvelles en boucle : la société est en crise, les éboueurs sont en grève, la ville est envahie par des rats très féroces.

On découvre un Gotham très gris, écrasant, aux logements glauques, traversé par les transports et les voitures, les murs et surfaces recouverts de tags. L’anonymat et l’indifférence règnent, la colère sociale gronde, les individus semblent broyés par le système, alors qu’une élite profite des richesses et méprise le peuple.

Suite à un concours de circonstances et à des recherches sur son enfance, Arthur Fleck emprunte une spirale qui va changer le cours de sa vie.

Il devient l’étincelle qui déclenche la révolte et la violence populaires.

J’ai beaucoup pensé à « Freaks » de Tod Browning et j’ai vu dans un premier temps « Joker » comme une réflexion sur la monstruosité : Comment un homme aux apparences bizarres devient monstrueux suite à la monstruosité des gens « normaux ». J’ai aussi vu l’histoire de la genèse d’une révolution. Sur ce point, « Joker » pourrait être prémonitoire (mouvements sociaux au Chili, au Liban, en France…).

Sous ces deux angles, j’ai trouvé le film vraiment excellent, tant sur la forme que sur le fond. Comme le soulignent l’ensemble des critiques, Joaquin Phoenix est très grand et la réalisation permet de créer une atmosphère à la hauteur des messages. Plusieurs scènes resteront dans les mémoires.

Cela dit … j’ai regretté qu’il s’agisse en fait du « Joker » si tristement célèbre dans la mythologie des comics américains, le légendaire ennemi de Batman, l’incarnation du Mal.

On peut alors comprendre le film comme une histoire de la genèse du Mal. Une société mauvaise génère un individu mauvais, en réalité une pure victime du système, handicapé, rejeté, persécuté, avec une enfance malheureuse, devenant fou, ne prenant plus ses psychotropes et devenant malfaisant, sans aucune responsabilité individuelle. Cette théorie ne m’a pas convaincue, tant il est vrai que la souffrance et les galères n’apportent pas forcément violence et meurtres. La résilience est une réalité, la solidarité et le travail sur soi aussi.

Dans le doute je reste sur mes premières interprétations et sur mon excellente impression initiale.

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10 commentaires pour « Joker » de Todd Philipps ****

  1. princecranoir dit :

    C’est très bien vu cette analogie avec Freaks. Ceci dit, les « monstres » du cirque étaient solidaires, tandis que dans nos sociétés, l’individualisme prévaut. Lorsque le foule s’emballe, derrière les masques ils ne forment plus qu’un Joker, interchangeables comme dans un jeu de cartes.
    Je comprends ton hésitation, le film met mal à l’aise. Au moins fait-il réagir et reste bien en mémoire.

    • Oui, c’est vrai, toute comparaison a ses limites et je trouve ton analyse de la foule très juste. Ce qui me dérange c’est essentiellement la tentation de théoriser, de généraliser sur l’origine du mal. Je crois dans la responsabilité individuelle et je ne suis pas certaine que le mal est de nature « psychotique », pathologique, irresponsable.

      • princecranoir dit :

        Mais le Joker est il vraiment une incarnation du Mal ? Je ne suis pas certain. Il serait plutôt, et malgré lui dans l’histoire, l’expression anarchique de la colère intérieure, la manifestation de la contestation, le fou qui monte sur le trône du roi. La pathologie n’est que le truchement, la fracture sociale le ferment.

  2. Oui, c’est bien dit et c’est ce que j’ai aussi compris dans le film de Todd Philipps. Mais qu’en est-il dans la saga des Batman ? Je faisais référence à cela, à son rôle dans les films sur Batman, où il est diabolique.

  3. Ping : Rire, une malédiction (Joker, Todd Philips) – Pamolico : critiques, cinéma et littérature

  4. Céline dit :

    J’ai adoré ce film, je ne vais pas souvent au ciné mais pour ce genre de film OUI 🙂
    Joaquin Phoenix est top en Joker !

  5. dasola dit :

    Bonjour Anne, plus de 3 semaines après avoir vu ce film, il me reste en mémoire mais je ne sais toujours pas quoi en penser. Je n’ai ni aimé ni détesté. Mais je n’ai pas compris comment un homme en clown pouvait déclencher un tel chaos dans une ville. Bonne après-midi.

  6. Pascale dit :

    C’est une possibilité que la société engendre ce genre de monstre, je ne pense pas que le réalisateur dise que ce soit une fatalité. C’est une éventualité, l’étude d’un cas précis.
    Ce qui semble sûr c’est que la foule a besoin d’un guide ou d’un modèle.

  7. Rebonjour Pascale, Je suis d’accord, c’est tout à fait une une possibilité. Et son meurtre initial sert de symbole et d’argument à la révolte des clowns. J’ai vu trois films récents qui traitent de l’apparition de la violence sociale (« Parasite », « Les Misérables » et « Joker ») même s’ils sont très différents, les trois ont quelque chose de terrifiant.
    Très bonne journée Pascale.

    • Je me permets un rajout. Ce qui m’avait questionné c’est le fait que le Joker est l’archétype du méchant dans l’histoire des comics et du cinéma. De ce fait il y a un risque de généralisation de son cas pour les causes de la « méchanceté ». Mais dans le doute, comme tu le soulignes, j’ai considéré cela comme un cas particulier et choisi de voir l’excellence du film. Il est aussi terrifiant qu’excellent.

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